« Je viens d'entrer dans ma sixième année et je n'ai rien gagné ! »Lettre de prison de Franck Astier (que je viens de trouver sur le net)
J'ai l'impression d'être de nouveau en maison d'arrêt. Je pensais qu'une fois en centrale, je trouverais un rythme plus cool, que je pourrais faire des études, travailler et mettre de l'argent de côté pour préparer ma sortie... Mais non, il n'y a rien de tout cela et ça me travaille car je vois les mois passer, les années et rien ne change. Je viens d'entrer dans ma sixième année et je n'ai rien gagné ! Cinq ans de perdus et tout le monde s'en fout. A côté de cela on nous fait de grands discours sur la réinsertion, les conditions de vie... Tout cela n'est que du bidon pour endormir l'opinion publique car dans les faits, rien n'a changé et rien ne changera.
[size=9]
Plus les jours passent, et plus je me rends compte dans quel piège je me suis mis en demandant à la prison de Lannemazan. C'est pas une prison, c'est un mouroir ! Avec leur politique du tout sécuritaire, on nous enferme dans des cercueils de béton où les caméras remplacent les surveillants. Aucune activité mis à part le sport, service social inexistant... De toute ma peine je n'avais pas vu une prison aussi morte et ça me rend malade car le jour où je demanderais une perm’ on me la refusera car je n'aurai pas fait preuve de réinsertion ! Comment veux-tu te réinsérer dans une prison où l’on ne te propose rien ? Tu ne peux pas savoir combien je regrette d'avoir demandé à venir ici !
On t'enferme durant des années et en plus on te condamne à faire ta peine dans la misère si tu n'as pas de soutien extérieur. En prison on n'a pas droit au RMI, et si tu n’as rien, et bien tu es dans la merde. Il y en a qui diront qu'il faut bien que la prison serve à quelque chose... Dans ces conditions là, soit elle rend les gens encore plus méchants qu'ils ne l'étaient soit elle les pousse au suicide. La prison 4 étoiles comme disent certains... ça n'existe pas ! La prison reste la prison et telle qu'elle est aujourd'hui, elle détruit les gens à petit feu !
Pour ce qui est des lecteurs de L'Asile utopique et de mes témoignages, je ne suis pas certain qu'ils s'intéressent vraiment au problème des prisons... Peut-être qu'ils trouvent mes témoignages forts intéressants, mais pas dans le sens que j'attendais. Je crois que mes lettres les rassurent sur leurs propres conditions, comme 9 passants sur 10 se retournent sur un mendiant sans s'arrêter. Le mendiant crève toujours la faim tandis que le passant retrouve son petit confort rassuré de savoir qu'il y a pire que lui ! Depuis Fresnes je n'ai reçu que deux témoignages de sympathie de la part des visiteurs du site. Si les gens s'intéressaient vraiment à ce qui se passe dans les prisons... J'aurais aimé qu'ils se manifestent en m'écrivant, en me posant des questions...
Photo de Raphaël Meyssan
Depuis quelque temps, on parle de relancer les libertés conditionnelles. Ils n'auront pas de mal, car depuis plus de dix ans elles diminuent à vue d'œil ! A partir de janvier, ce ne sera plus le ministre de la justice qui décidera si oui ou non un type doit sortir ou pas. Cela se passera dans un tribunal. Le type pourra exposer son projet, il pourra faire venir son employeur, son avocat... et s'il y a rejet, il pourra faire appel, ce qui n'était pas le cas avant. Dans les grandes lignes c'est une bonne réforme, mais si tu y regardes de plus près, tu te rends compte que cela va être pire qu'avant. La centrale de Lannemezan a une sale réputation et quand tu dis que tu viens de là, les gens se tiennent sur leurs gardes. Tu te présentes au tribunal de Tarbes avec un bon dossier et pourtant tu es grillé dès qu'on voit d'où tu viens. Tout comme ce n'est pas bon de s'appeler Rachid quand on a affaire à la justice ! Pour sortir en conditionnelle, il faut avoir au minimum un logement et un travail ! Durant ce temps de conditionnelle, tu peux être amené à voir le juge chaque fois qu'il te convoque ou bien obligé d’aller pointer chez les flics. Durant le temps de conditionnelle, tu peux être contrôlé à n'importe quel moment car tu n'es pas totalement libre. Tu es sous contrôle du JAP (le juge d'application des peines). C'est une libération anticipée car tu sors avant la fin de ta peine, mais c’est aussi une liberté surveillée car tu restes sous contrôle de la justice.
Amitiés à tous
Nous vous invitons vivement à écrire à Franck :
M. ASTIER Franck
7817 E145 BP312
Route de Seysses
31 605 MURET cedex(Le courrier est ouvert par un vagemestre et peut ne pas arriver.
Pour garder une trace de votre envoi, nous vous conseillons
d'envoyer votre lettre en recommandé.)
Vous pouvez aussi nous envoyer un e-mail
que nous lui transmettrons par voie postaleredaction@asile.org(si vous ne souhaitez pas que votre lettre
soit publiée, merci de le préciser)